Chaque blogueur s’interroge, à un moment ou à un autre, sur ses lectrices et ses lecteurs. Qui sont-elles/ils ? Pourquoi viennent-elles/ils ? Pourquoi ne viennent-elles/ils plus ? Comme le patron de son petit journal, le blogueur se demande si ces écrits seront appréciés, s’ils vont choquer, s’il doit compromettre sa sincérité.
Ici ou là, j’ai lu les commentaires critiques, à propos d’une mauvaise illustration (comme ces photos de Carla Bruni nue, qu’Olympe n’a jamais appréciées; ou d’une tenue déshabillée sur le blog de mes enfants les Ptites Racailles), ou à propos de la politique interne du Parti Socialiste. segoliste, j’ai souvent défendu l‘ex-candidate. J’ai craint de la critiquer publiquement – d’autres s’en chargent très bien -, et de risquer de perdre la confiance de fidèles tels Made, David75, Asse, ou Gabale. J’ai fustigé, gentiment, Martine, au risque de décevoir Maxime, ou Martin P. Je n’ai pas aimé la taxe carbone, au risque de mécontenter mes amis écolos. J’ai soutenu le débat avec Bayrou et ses sbires et « sbirettes », au risque de heurter Gauche de Combat.
A chaque billet, éviter de décevoir son lectorat est une tâche ardue pour le blogueur. Souvent, chaque jour (ou chaque nuit devrais-je dire, je me censure tant l’actualité suscite la rage. Le triste spectacle de Dijon ou le sinistre Congrès de Reims auraient pu être des occasions de lâchage. J’envie Marc Vasseur qui s’est écarté du bordel ambiant. A chaque fois, il faut penser au lecteur, à la lectrice qui vient chercher argument ou réconfort. Vous n’êtes pas seul(e)s et qu’importe nos bisbilles internes.
La popularité aidant, des « médias de référence » m’ont sollicité. Devrais-je m’abstenir de critiquer l’Express (alors que Marie-Amélie m’a gentiment sollicité une ou deux fois) ? Christophe Barbier me donne pourtant, chaque semaine, l’occasion de m’énerver en solitaire sur ses prises de positions. Marianne2 reste un cas à part. Une communauté protéiforme, critique et dynamique. Sur Marianne2, on peut se lâcher.
Pour fédérer les hésitants, et oublier nos brouilles, Sarkozy joue son rôle à la perfection. Celui d’un intégrateur négatif. Cela n’en fait pas « une politique », dirait Philippe Cohen. Je ne suis pas sûr qu’il ait raison. Démonter les actions du Monarque élyséen permet de constituer un programme électoral sans trop d’effort, sur quasiment tous les sujets. Ceux qui dénoncent l’antisarkozysme primaire – et Philippe n’est pas de ceux-là, précision importante – sont souvent les complices indulgents d’un système qui les nourrit. Entendre Christophe Barbier dénoncer l’absence de social dans la politique sécuritaire de Sarkozy et l’absence de sécurité dans la politique sociale la gauche a quelque chose de risible.
Les lecteurs peuvent être puissants. J’ai causé à marianne2 quelques troubles – la menace d’une plainte par un milliardaire que je citais dans l’une de mes chroniques hebdomadaires. Je ne crains pas pour ma personne. L’anonymat sur Internet est très relatif et le milliardaire saura bien me retrouver.
Ne pas décevoir son lecteur, c’est d’abord s’en tenir à sa ligne éditoriale. On ne trompe personne. Le propos doit rester clair.