Edgar Morin a livré une jolie tribune au Monde, le 22 mai dernier : « Ce que serait ma gauche« .
Il commence par expliquer qu’il n’aime pas le « la » réducteur. La gauche est plurielle. « J’ai toujours répugné ce la unificateur qui occulte les différences, les oppositions, et les conflits. Car la gauche est une notion complexe, dans le sens où ce terme comporte en lui, unité, concurrences et antagonismes. » C’est un constat évident. En ces temps d’opposition durable, certains à gauche aiment à livrer des « brevets de gauche » à qui mieux mieux. Nous sommes pluriels. Point barre.
La gauche nait d’une aspiration commune, c’est sans doute son seul point commun: « l’aspiration à un monde meilleur, l’émancipation des opprimés, exploités, humiliés, offensés, l’universalité des droits de l’homme et de la femme. » Les gauches n’ont pas le monopole de ces préoccupations. Mais les gauches sont seules à les placer comme source unique et communique de leurs actions.
Morin déplore la « grande régression européenne » que nous vivons, avec les résurgences des nationalismes et des religions, ou la destructions d’emplois et d’industries sous le coup de la concurrence mondiale. Il s’inquiète aussi de la disparition du « peuple de gauche »:
« Ce peuple, formé par la tradition issue de 1789, réactualisée par la IIIe République, a été cultivé aux idées humanistes par les instituteurs, par les écoles de formation socialistes, puis communistes, lesquelles enseignaient la fraternité internationaliste et l’aspiration à un monde meilleur. Le combat contre l’exploitation des travailleurs, l’accueil de l’immigré, la défense des faibles, le souci de la justice sociale, tout cela a nourri pendant un siècle le peuple de gauche, et la Résistance sous l’Occupation a régénéré le message. »
Combien sommes nous à nous accrocher à cette peuplade en voie de disparition ? Morin regrette qu’il ne reste qu’une gauche bobo et une gauche caviar, qui ont laissé la France populaire orpheline dans ses soucis et sa précarité. Il juge la démocratie parlementaire insuffisante, aimerait qu’on lui succède une démocratie participative, qu’on favorise « un réveil citoyen ».
Morin ne donne pas de solutions. Il donne surtout une furieuse envie de faire table rase du présent politique.
Radicalement.
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