Retraite: l’étrange Mister Fabius


Jeudi matin, Laurent Fabius était l’invité de Jean-Pierre Elkabach sur Europe 1. L’occasion était trop belle pour parler des retraites. C’était, et c’est toujours le sujet du moment. L’ex-premier ministre a tenu des propos simples, mais qui, reconnaissons-le, auraient largement choqué s’il les avait avancés il y a quelques mois. Cette interview illustre parfaitement et malheureusement la posture socialiste actuelle.

Fabius a dénoncé le projet Sarkozy de réformes de retraites sur trois terrains : la légitimité, l’inefficacité, l’injustice. Le premier argument est connu : Sarkozy a promis qu’il ne toucherait pas à l’âge (pas que symbolique) de la retraite à 60 ans. Ce n’est pas la première fois que Sarko ne tient pas une promesse, voire qu’il fait le contraire de ces déclarations de candidat. Mais il est bon de rappeler le point.

Second argument, la réforme est injuste. C’est vrai. Le constat est factuel. Les deux tiers des efforts financiers retenus seront le fait des salariés, auxquels s’ajoute la fameuse convergence (partielle) des régimes public/privés, soit 85% au total. Les contre-parties sociales avancées par le gouvernement soient symboliques (comme par exemple les 2 mois de retraites supplémentaires accordés aux jeunes précaires) ou ignobles, comme sur la prise en compte de la pénibilité. Fabius a simplement insisté sur ce dernier point, particulièrement illustratif du cynisme patronale à l’oeuvre au gouvernement: il faudra être malade ou handicapé pour bénéficier d’une retraite à 60 ans. C’est ignoble, tout simplement ignoble.

Troisième argument, la réforme est inefficace. Effectivement, contrairement aux éléments de langage usités par les Sarkolâtres du moment, les propres projections gouvernementales données à la presse mercredi dernier font apparaître un trou de 15,6 milliards d’euros en 2018 que l’Etat compensera. Dans le dossier de presse, les services d’Eric Woerth ont appelé cela « effort Etat net » (cf. l’avant-dernière page du document). Ces 15 milliards cachent une seconde salve de rigueur.

Interrogé sur les propres propositions du Parti Socialiste, Fabius a lancé trois autres idées : le PS est favorable à davantage de prélèvements pour financer le système (ok), à l’allongement de la durée de cotisation (ah bon), comme à la convergence des régimes public/privé (non ?). Honnêtement,si Laurent Fabius avait déclaré voici 3 mois qu’il fallait aligner le taux, la durée et l’assiette de cotisation vieillesse des fonctionnaires sur ceux en vigueur dans le secteur privé, on peut imaginer l’émoi que l’annonce aurait provoqué.

Au final, l’impression est mixte : une excellente critique, mais des propositions un peu courtes.

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