La question peut paraître provocante. En écoutant Séverine Tessier, porte-parole d’Anticor, dans l’enregistrement de son interview par quelques confrères lundi dernier, j’ai retenu cette phrase, reprise ensuite par quelques aimables Tweets :
« On va arrêter de se mentir, on n’est plus en démocratie. »
J’entends déjà mes amis sarkozystes m’expliquer que je tombe dans la caricature soi-disant habituelle dans l’antisarkozysme primaire. Evidemment, on trouvera toujours pire ailleurs. D’autres pays n’ont pas la chance de connaître des élections. Le Monarque élyséen a perdu les dernières. Le scrutin ne fut pas trafiqué. Il n’y a pas non plus de police politique venant frapper aux portes au petit matin pour débusquer les récalcitrants. Aucun journaliste français ne peut prétendre risquer de subir le sort d’Anna Politkovskaïa.
Mais faut-il se contenter de peu ? Ne peut-on pas s’interroger sur tous ces signaux, dont certains ne datent pas du sarkozysme anachronique ? La banalisation du conflit d’intérêt est une manifestation d’affaiblissement de la démocratie. La promotion publicitaire gouvernementale est une négation de la démocratie. La manipulation sondagière en est une autre.
Paradoxalement, je ne suis pas choqué par l’affaire Woerth. Elle révèle au grand jour ce qu’est une certaine droite. J’ai toujours cru, et je crois toujours, que la droite gouverne avant tout pour une caste de puissants qui tentent de faire croire au plus grand nombre que la richesse de quelques-uns est à la portée de main du plus grand nombre, ou, à défaut, légitime car fruit de l’effort et du mérite. Nicolas Sarkozy, sur ce coup, nous a apporté la vraie rupture : avec lui, une certaine droite s’est enfin dévoilée. Ce qu’elle appelait mérite était en fait du copinage. L’effort s’appelait la rente. Merci Nico. Tu as guéri mes enfants.
Si j’étais de droite, je m’inquièterai de cette rupture. Chaque jour qui passe décrédibilise le discours de droite, les valeurs de droite, l’espoir à droite. Il n’est pas besoin d’être collectiviste pour le comprendre.
Le problème vient d’ailleurs. La démocratie, en France, n’existe plus. Le juste jeu des opinions, défendu par la loi, solidifié par des modes de scrutins démocratiques c’est-à-dire proportionnel, n’est plus d’actualité. Les contre-pouvoirs ne sont que sociétaux, médiatiques parfois, blogosphériques (mais marginaux) souvent. Au nom de la raison d’Etat, nous sommes fichés, même si nous sommes victimes. Les journalistes sont découragés d’enquêter sur nos terrains de combat. Les juges d’instruction, que l’on a voulu supprimer, ne gèrent que 5% des enquêtes, faute de moyens et à cause des nombreux contournements que les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, ont instauré depuis 30 ans. L’impôt, épreuve et preuve de solidarité nationale, est une passoire qui bénéficie aux plus riches, aux plus mobiles, aux plus astucieux.
Nous ne sommes pas en dictature. Mais nous ne sommes plus en démocratie.
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