Jean-François Kahn nous abandonne, trop tôt


Jean-François Kahn, fondateur et figure tutélaire de Marianne, a annoncé, en fin d’un billet consacré à l’ineffable affaire Woerth, qu’il arrêtait de bloguer. Le constat d’une souffrance ou d’une incompréhension.

Jamais je n’aurais pensé un jour écrire sur le même site que le fondateur de l’Evènement du Jeudi, un hebdomadaire que les plus jeunes d’entre n’ont pas connu. Je ne partage pas nombre des idées de Jean-François Kahn. Les lecteurs assidus de mes quelques billets remarqueront des opinions divergentes à plus d’un titre: écologiste toujours, gauchiste souvent, antisarkozyste évidemment. Sur ce dernier point, nos visions se rapprochent. JFK s’est lancé dans l’aventure blogosphérique il y a quelques mois. Un vrai succès de fréquentation, relayé par une chronique redevenue hebdomadaire dans le magazine qu’il créa avec d’autres voici 13 ans.

A la fin d’un billet consacré à l’affaire Woerth, le voici qu’il annonce la fermeture de son blog. Motif, le blog aspire un temps précieux difficile à dégager pour l’auteur, et, aussi, un sentiment de découragement devant l’ampleur de la tâche. JFK croyait que son blog devait devenir une plate-forme d’échange, un « forum », une expérience collective.

« Que voulait être ce blog ? Une sorte de mini-journal quotidien, informatif, explicatif et subjectif, à la fois espace de résistance quand c’est nécessaire, contrepoids à une certaine doxa médiatique normative, incitation à de larges convergences dans le refus de l’inacceptable et support d’une réflexion collective ouverte et positive sur ce que pourrait ou devrait être une alternative au désordre établi. »

Blogueur assidu, je peux comprendre les raisons de ce découragement. A la différence de JFK, je ne suis pas journaliste. Je le deviendrai sans doute grâce au blog. Mais pour l’instant, j’ai une autre vie. Bloguer est l’occasion d’exprimer un dégoût que je pense partager par un grand nombre, à gauche, au centre et à droite. Les prises de positions de JFK sont une démonstration de cette convergence évidente.

1. JFK n’a pas besoin d’un blog pour se faire entendre. Figure médiatique, volontiers polémiste, toujours sincère, il a su réveiller souvent un débat politique circonspect qui n’osait affronter la confrontation des idées. Un blog un outil de communication formidable pour délivrer un autre angle sur l’actualité au plus grand nombre.  JFK n’a pas besoin d’un blog pour faire entendre sa voix.

Marianne a su développer un site qui prolonge et approfondi ce que le journal souhaite être : un lieu de débat contradictoire mais solidement inscrit dans la République. Ne s’appelle pas Marianne qui veut.

2. Mais un blog n’est nécessairement pas un forum. Attirer de nombreux commentaires est une belle réalisation. Qu’ils soient critiques ou laudateurs, ils alimentent le débat, la réflexion. Sur Sarkofrance, je lis tous les commentaires, je réponds parfois. Certains commentaires critiques amènent à revoir des positions, ou, plus simplement, des argumentaires. Un blog permet d’abord de coucher par écrit des positions qui durent. Affronter la contradiction est un exercice salutaire. C’est bien la différence avec la presse écrite du vieux monde physique.

3. JFK regrette le nombre de « trolls », ces curieux animaux qui aiment venir critiquer, sans arguments si ce n’est l’insulte ou l’anathème, les billets des blogueurs influents: « Ce qui, évidemment, attira peu à peu dynamiteurs, pollueurs, obsédés et allumés » remarque Kahn. Marianne2 attire les trolls à cause de son succès. Le troll n’est pas un lecteur critique. C’est effectivement un allumé qui cherche l’attention. Sarkofrance chez Marianne2 en attire quelques-uns. Je leur explique que je censurerai les insultes, qu’ils ne pourront poster plus de 10 commentaires (autant qu’ils choisissent leurs arguments). Certains s’obstinent. Tant pis. Entendre JFK se décourager devant quelques dizaines de trolls est … décourageant. Le troll ne sert à rien, inutile de lui donner tant d’importance.

Au final, JFK abandonne bien vite. Son exercice quotidien était, comme d’autres, salutaire.

Revenez.

14 réponses à « Jean-François Kahn nous abandonne, trop tôt »

  1. JFK abandonne bien vite, oui mais vous vous restez alors tout va bien…

  2. Je recevais le blog de JFK tous les jours. Ce blog était toujours très intéressant, et j’ai souvent voulu moi-même commenter. Hélas, j’en ai été découragée rapidement par le ton insultant, vulgaire et surtout monopolisant de nombreux « forumistes », toujours les mêmes qui n’acceptaient aucunement l’échange. Je crois sincérement que cela a également profondément agacé JFK, et je le comprends quand bien même je regrette la cessation de son blog.

  3. Oui, SarkoFrance reste et c’est bien.
    JFK s’est vite découragé, TROP vite ? peut être :
    -n’est il pas trop vieux pour cet exercice (j’ai 70 ans) ? sur le net, il faut être sans cesse sur le « gril » sinon on est vite dépassé.
    Un NON journaliste, NON homme politique s’y est cassé les dents : Patrick Sébastien …
    -je ne partage pas non plus les idées politiques de JFK mais j’apprécie beaucoup le bonhomme.
    Bon vent à lui … et bises d’une grand mère

  4. @juan : je suis déçu, déçu, déçu…

    1. Avatar de la fourmi rouge
      la fourmi rouge

      de quoi es-tu déçu ?
      – du billet de Juan sur JFK ?
      – ou bien du départ de JFK ?….lol

  5. Bien d’accord avec votre analyse, mais comme dit ci-dessus, vous Juan, vous restez et c’est très, très très bien, vous etes le premier blog que je lis le matin en ouvrant l’ordinateur, je suis comme vous ferue de politique et vous faites merveilleusement la « synthèse » de la vie politique et en ce moment, c’est un vrai régal!!!!!Ne lachons tous RIEN !!!!

  6. très déçu qu’il renonce moi aussi…

  7. c’est navrant que JFK laisse gagner la vulgarité et la bêtise. C’est dommage qu’il nous prive de ses commentaires acérés et de ses analyses intelligentes .

  8. Avatar de la fourmi rouge
    la fourmi rouge

    Personnellement, comme beaucoup ici, je suis totalement d’accord avec le billet de Juan.

    Un soupçon m’effleure tout à coup :
    et si JFK par ce départ brusque, manisfestait un certain orgueil ?

  9. je fais partie de ceux qui ont depuis le début suivi l’aventure de « tourner la page ». J’ai tant aimé ce lieu ! : les analyses si pointues de JFK de l’actualité du moment, son humour et celui de nombreux commentaires, son esprit de synthèse, ses pistes pour une résistance au système oligarchique, ses recherches et propositions pour une société plus heureuse, plus juste..

    Je partage votre analyse et espère comme vous qu’il reviendra. Mais rien n’est moins sûr !
    Hier les commentaires sur le dernier article de ce blog continuaient encore, témoignage de la volonté de cette communauté de posteurs que JFK avait créée de vouloir continuer l’échange avec ou sans lui. Ils viennent d’être fermés par le webmaster, pas vraiment positif comme signe !

    quant aux raisons qui expliquent la suspension (fermeture) de ce blog, je les partage aussi avec vous : n’est pas blogueur qui veut.. et sans doute surtout pas un journaliste !
    Je vous copie un des derniers posts que j’ai mis sur ce blog, juste avant la fermeture des commentaires, sur le parallèle entre ces journalistes de métier et Internet :

    Cela me pose question : ne considèrent-ils pas Internet seulement comme le prolongement de leur activité journalistique ? ont-ils compris la dimension horizontale de la communication sur Internet ? En ont-il intégré les énormes possibilités de cette intelligence collective ? la synergie de cette infinité de talents ? Ont-ils accepté de sortir de leur bulle journalistique ? de descendre de leur piédestal de « sachant » ? d’abandonner le monde des idées pour se confronter à celui de la réalité ?

    Sur ce dernier point l’exemple de ce blog en est une bonne illustration : JFK parce qu’il a un grand idéal, une vision très élevée de la démocratie a toujours répugné à exercer un contrôle des commentaires de ce blog, ceci malgré les nombreux avertissement qui lui avaient été adressés.(quand il s’est résolu à recourir à un modérateur, la façon dont il en parlait évoquait bien sa gêne : la « guillotine » mot extrême qui exorcise sa répugnance, mais aussi plusieurs articles pour la justifier).
    Il pensait que parce qu’une idée était bonne et utile (organiser un lieu de résistance à la propagande ambiante) que les posteurs ne pourraient que s’aligner sur cette démarche…
    Il s’est cogné à cette réalité qu’une idée généreuse, bonne et vraie ne suffit pas à mobiliser l’adhésion et la discipline de tous. C’est peut-être cette réalité qu’il supporte le plus mal.

  10. […] et de progrès intellectuel partagé, entrouvrant les « portes du Paradis ». Il y gagne le droit à un hommage funéraire et à un rappel pressant de Sarkofrance. Tous n’ont pas eu cette chance. Patrick Sébastien avait lui aussi tiré sa révérence il y a […]

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