Le Modem tenait son université d’été ce week-end, à La Grande Motte dans l’Hérault, un « évènement » qui n’a échappé à aucun observateur politique, même distrait. François Bayrou faisait sa rentrée, après deux mois d’abstinence médiatique. On attendait du Modem un peu de clarification. Loin de moi l’envie de louer le leader centriste, ni d’appeler à voter ou soutenir sa démarche. Non pas que le Modem, ou plutôt ses militants et sympathisants m’apparaissent comme des adversaires irréductibles. Mais le Modem n’est pas ma tasse de thé politique, je ne connais ni ses rouages, ni ses dirigeants, à peine quelques militant(e)s sympathiques et déjà quelques déçu(e)s tout aussi sympathiques.
Bayrou se clarifie
Le Modem est parvenu à occuper une partie de l’espace médiatique depuis 2007 qui excède largement son réel poids politique. On ne sait pas vraiment combien de légions de militants ce parti a pu engranger ses deux dernières années. Mais le Parti Socialiste et l’UMP lui ont fait une sympathique publicité permanente et gratuite depuis l’élection présidentielle. Au PS, Bayrou est un loup, et la couleur orange bien trop éloignée du rose socialiste pour envisager chez certains un quelconque rapprochement. On attendait beaucoup de ces deux jours. Il y a deux semaines, Marielle de Sarnez avait devancé son chef en se déplaçant à Marseille pour les ateliers de « l’Espoir Gauche », organisé par Vincent Peillon. Son discours fut largement applaudi par une assistante largement socialiste. Bayrou a-t-il suivre ce ralliement soft ? Oui. Dimanche, il a appelé la gauche à une alliance au second tour dès les prochaines élections régionales, puis pour la prochaine élection présidentielle. Il a même proposé un « parlement de l’alternance ». Voici la seule clarification qui vaille: Bayrou est prêt à une alliance pour l’alternance.
A gauche, les grincheux.
Bayrou a tout fait, et fera tout, pour prendre la seconde place sur le prochain podium présidentiel au(x) candidat(s) de gauche. C’est évident. C’est même son job politique. Qui pourrait lui reprocher ? Et je m’étonne, encore et toujours, qu’il n’ait pas appeler plus tôt à cette alliance de « l’alternance ». Bayrou a gentiment taclé Martine Aubry, qui lui réclamait de clarifier sa position vis-à-vis de la gauche: « Je n’ai aucune preuve à faire, vous n’êtes pas chargée de contrôler les papiers, de vouloir faire rentrer tout le monde dans le rang. Il n’y a pas de surveillante générale. Il n’y a pas de rang. Il y a une mission à remplir : rendre l’alternance crédible et possible. » Martine voulait des clarifications, François lui en donné quelques unes:
« L’idée exprimée par Martine Aubry que les entreprises bénéficiaires qui licencient devraient être mises sous tutelle par le tribunal de grande instance, cela me paraît une idée d’un autre temps »
A gauche, certains exprimeront leur réticence. Ceux qui sont davantage attachés à vaincre Sarkozy qu’à autre chose ne devraient pas faire la fine bouche au dialogue.
Primo, il est difficile de comprendre quelle différence subtile faut-il faire entre le Modem et les Radicaux de gauche. Nous faudra-t-il éplucher les programmes et les déclarations ? On me rétorquera que François Bayrou, à la fin du siècle précédent, a participé à des gouvernements de droite, et même voté, oh sacrilège, certaines de leurs lois. Au siècle précédent, la gauche a gagné deux élections présidentielles.Et l’Union de la Gauche du Parti Communiste, à l’époque encore soviétisant, au PRG ne lasse pas de surprendre l’historien.
Secundo, la gauche est électoralement minoritaire dans ce pays. Il n’y a quelques éléphants et leurs descendants politiques pour ne pas voir cette évidence.Il paraît tout aussi évident que le prochain gouvernement de gauche, le cas échéant, devra être de large union.
Tertio, la gauche socialiste devrait se rappeler son histoire: l’enterrement du parti communiste ou les virages « à droite » des années 1980 ont montré que le PS savait s’accommoder, sans le dire ni l’assumer, d’une gouvernance politiquement impure.De surcroît, il est plus efficace et facile d’étouffer son allié d’un jour dans l’édredon d’une alliance que de le stigmatiser en permanence et lui donner ainsi une existence politique.
Quarto, les socialistes n’ont rien à craindre du dialogue. Confronter les désaccords permet de savoir où l’on est et qui l’on est. L’enrichissant débat sur la taxe carbone avec le camp écologiste est là pour le rappeler: les socialistes et les écologistes s’allieront quand nécessaire. Mais chacun devra faire quelques compromis pour y parvenir. A exiger des « brevets de gauche » à toute personne, encartée (comme Ségolène Royal) ou pas (comme les sympathisants centristes ou écologistes).
Dimanche soir, un ancien proche de François Bayrou rallié à l’UMP, Dominique Paillé, a appelé les électeurs centristes à rejoindre le camp présidentiel: «Ces gens-là sont les bienvenus et ils le savent car ils appartiennent à cette famille de centre et du centre-droit que nous représentons». L’UMP a peu à voir avec la tradition centriste: les rafles de sans-papiers, la concentration des pouvoirs dans les mains d’un monarque, l’injustice fiscale permanente ne sont que trois exemples de la rupture sarkozyenne avec le Centre. L’existence même du MoDem est là pour démontrer la vacuité de l’argument umpiste.
Il faut donc tout faire pour continuer la clarification politique de l’opposition: le Modem n’est pas de gauche mais c’est un opposant digne de dialogue et d’alliance.
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