Le titre de ce billet est tout aussi vulgaire que celui de mon joyeux confrère Variae hier.
Ce dernier exprimait son ressenti à l’encontre d’une certaine presse que l’on pourrait qualifier « de gauche », en l’occurrence Libération et Mediapart qui vient de publier quelques méchants articles contre le candidat Hollande sur l’épineux sujet des retraites.
Je te pose alors, lecteur, lectrice, une question simple. Penses-tu que dans une situation comparable, le Figaro mettrait autant d’énergie à démonter, harceler, acculer Nicolas Sarkozy ou François Fillon ? Comme ça, spontanément, sans te lancer dans des recherches approfondies, que répondrais-tu ?
A supposer que tu répondes – comme moi – par la négative, tu vas peut-être me rétorquer immédiatement : oui mais justement, c’est l’honneur de la presse de gauche, d’être une vraie presse, impartiale, d’autant plus objective qu’elle est dure avec son camp, d’autant plus de son camp qu’elle est exigeante avec lui. Une presse libre car de gauche, de gauche car libre.
Et comme le dirait le grand Plenel, le soin qu’elle prend à penser contre elle-même fait toute sa grandeur, justement.
Et puis quoi, ce n’est pas parce qu’elle s’appelle presse de gauche qu’elle veut faire gagner la gauche, hein ? Elle est juste vraiment de gauche. Elle n’est pas aux ordres : elle défend des convictions. Elle, elle, elle, elle protège la gauche politique d’elle-même, elle est sa conscience.
Presse de gauche : tu m’emmerdes.
S’attaquer à des journaux ou des journalistes est toujours périlleux. Mais j’applaudis la démarche de Variae. A deux mains, et même avec les pieds. La presse dite de gauche est bien plus sévère avec la gauche que la presse dite de droite avec la droite.
1. Il y a une raison à cela. Elle n’est pas morale ni éthique. Elle n’a rien à voir avec une quelconque grandeur ni supériorité. Elle est mercantile. Une certaine presse de gauche vend plus facilement quand le pouvoir est à droite. Libération s’est cru sauvé en plongeant dans l’antisarkozysme raisonnable. Mediapart s’est créé contre Sarkozy.
J’ai toujours soutenu Mediapart, et même Libération période Joffrin. Je croyais qu’il fallait encourager et relayer ces rares médias qui osaient, dans les premiers jours noirs de la Sarkofrance triomphante, défier le story-telling du Monarque.
La période actuelle est autre, c’est celle d’une campagne. Libération reprend une pente bien connue, le savonnage que nous avons chacun subi du temps de la campagne de Ségolène Royal. En campagne, il s’agit de conquérir le pouvoir. Il s’agit d’efficacité. Le reste est bonne conscience et inefficacité.
2. La presse de gauche ne se limite heureusement pas à ces titres. Politis ou L’Huma défendent des orientations stables avec une constance efficace. Au risque de m’attirer quelques foudres, je maintiens que Marianne défend une ligne d’opposition régulière à l’autocratisme irresponsable du Monarque. Les rares blogueurs associés (dont votre serviteur) sont soit experts soit de gauche bien engagée. Et cette presse de gauche est-elle d’ailleurs vraiment de gauche ? A-t-on vu Libération se fendre d’une une sur un appel à la fin de l’abattement fiscal des journalistes ? Bref, la presse de gauche est protéiforme. Elle est parfois écrite par des gens de droite. On a longtemps et injustement assimilé ces médias à leurs patrons.
3. Variae pose en fait une question de fond. A gauche, il y a en fait deux camps. La ligne de fracture n’est pas entre de prétendus réalistes et de violents idéalistes; entre des souverainistes et des fédéralistes. La vraie ligne de fracture, cherchez-la bien, vous la trouverez. Elle est devant vous, chaque jour, à chaque minute, dans chaque intervention.
A gauche, la fracture oppose celles/ceux qui veulent gouverner et celles/ceux qui préfèrent leur bonne conscience. Je me place dans le camp des premiers. J’ai toujours cru qu’il fallait éliminer le pire à défaut d’avoir le meilleur. Le blog Sarkofrance a été créé pour cela. Il est facile d’avoir raison tout seul, d’être la meilleure conscience d’un monde parfait et théorique. Gouverner, c’est réfléchir à convaincre celle ou celui que ne pense pas comme soi sans être « de l’autre côté de la Force ».
Je me fiche un peu des brevets de gauchitude que l’on voudra bien nous affubler.
A chacun(e) de définir si certains compromis deviennent insupportables.
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