Les étiquettes politiques sont essentielles à nos échanges politiques. C’est l’une des rares leçons que j’ai retenue de mes études américaines en Sciences Politiques.
Les étiquettes sont des raccourcis internes et externe. Interne, elles nous permettent de fixer ce à quoi nous croyons, de faciliter nos positions quand le temps ou l’expérience nous fait défaut pour approfondir nos propres raisonnements.
Les étiquettes peuvent être aussi dangereuses, obsolètes, souvent absurdes. Un journaliste nous en fournit un bel exemple contre François Hollande. Laurent Mauduit, de Mediapart, s’exerce dans la dernière édition de Marianne à confirmer par A+B combien François Hollande est social-libéral puisqu’il ressemble aux sociaux-libéraux.
Pour la définition des étiquettes, je vous renvoie à cet excellent bréviaire de mon confrère Politeeks sur les Gauches.
A la différence d’autres estimés confrères ou consoeurs qui conspuent ou critiquent Hollande pour ce qu’il annonce ou a fait voter; Mauduit, donc, ne s’attaque pas au fond. Ainsi dénonce-t-il la duperie social-libérale de François Hollande. Fichtre … reprenons la charge. Elle est d’envergure.
1. Le journaliste débute par une attaque simple et claire: « Il faut maintenant se rendre à l’évidence : la politique économique conduite par François Hollande n’a rien à voir avec ce qu’il avait laissé entendre durant la campagne présidentielle ». C’est la thèse de l’article, la cause à prouver.
2. Malgré « des signes multiples » de prudence, « François Hollande a veillé à ce que la petite musique de son projet garde une sonorité de gauche« . Et le journaliste de sortir … deux preuves et pas plus: un slogan de 5 mots lancé au Bourget le 22 janvier dernier, (« mon ennemi c’est la finance ») et une annonce, finalement votée dans la loi de finances (et oui), la taxation à 75 % des revenus au-delà de 1 million d’euros.
3. Mais, ô problème, « voilà qu’à peine installé à l’Elysée il met en œuvre une politique économique qui n’a plus rien à voir avec cela« … Rien à voir avec un slogan et … une mesure qu’il a quand même fait voté … Ahem… tentons de comprendre… Mauduit ne nous aide pas. Tout le reste de l’article vise à étayer la thèse sur la base des « inspirations philosophiques » de François Hollande… Ces dernières, selon le journaliste, auraient « beaucoup de points communs avec les brûlots libéraux qu’ont l’habitude de produire l’OCDE et le FMI pour promouvoir ce qu’ils appellent pudiquement des « réformes structurelles ». »
Pour preuve, Mauduit enchaîne ses « illustrations » philosophiques: (1) la priorité donnée à la question du coût du travail, (2) la « réforme de l’Etat » si chère aux ultra-libéraux, (3) l’avènement de ces systèmes dits de « flexisécurité », « dans une logique libérale ou sociale- libérale« . Fichtre! Quel réquisitoire !
Soyons précis. Il est légitime et naturel de critiquer certaines mesures, ou un changement de cap étayé par des annonces de lois ou de décisions. Dans le réquisitoire Mauduitesque, le premier point est approximatif: le gouvernement n’a pas réduit les cotisations sociales mais la facture fiscale des entreprises en fonction de leur niveau de masse salariale. Pour quiconque veut sortir des posture, cela n’a pas grand chose à voir. A minima, on peut le critiquer sur un autre terrain: Hollande n’aurait-il pas mieux fait de soutenir la demande intérieure ? Le second point est risible tant que les décisions ne sont pas précisées. Hollande avait promis d’augmenter les effectifs de certaines fonctions publiques, mais à effectif constant par ailleurs. Nul changement, nul revirement. Il n’a pas davantage promis d’augmenter la dépense publique ! Le troisième point est une simple affaire de procès d’intention: le gouvernement laisse les partenaires sociaux négocier. Avez vous entendu François Hollande réclamer un assouplissement des conditions de licenciement ?
Pour tuer votre chien, dites qu’il a la rage.
C’est exactement le type de démarche suivie à longueur de chronique par un journaliste qui me fait regretter chaque semaine de lire Mediapart.
Un commentaire ? Lâchez-vous… poliment.