Changer d’avis sur Valls ?


Il y a tout juste un an, j’écrivais quelques billets pro-Valls. C’est en tout cas comme cela qu’ils ont été perçus. Aujourd’hui, et depuis quelques mois, Valls m’indispose puis m’insupporte. Je dis Valls parce que c’est bien l’attitude de la personne et pas seulement sa politique qui est en cause.

« Girouette ! » a commenté un aimable confrère (plus) gauchiste. Il avait tout faux, mais là n’est pas le principal. Il me donne l’occasion de clarifier … les désaccords persistants.

Dès sa nomination, Manuel Valls a immédiatement agité la frange la plus hostile à l’objectif politique maintes fois rappelé dans ces colonnes ou sur le blog principal: retirer le maintien de l’ordre (*) d’une instrumentalisation politique récurrente.

Pour le premier point, il s’agit de considérer que le droit à la sécurité doit être garanti, de faire le constat lucide de la violence qui agite notre société (crise-s). La droite sécuritaire a pris le dessus dans le débat public depuis au moins 15 ans. Il faut la sortir du jeu, évacuer cette « politique de la peur » qui n’est qu’une diversion pour masquer la crise sociale et économique; et une tactique de mobilisation de l’électorat de droite.

On peut penser/espérer qu’à gauche, il y a sur cet objectif un large consensus. Des différentes composantes du Front de Gauche aux radicaux de gauche, nous sommes tous exaspérés par cette « politique de la peur. »

Le désaccord est ailleurs. A gauche, certains veulent au contraire emmener la société (espérons qu’ils cherchent à convaincre la société et pas seulement leur chapelle) vers un autre politique qui, au choix, récuse le sujet sécuritaire « per se«  (je raccourcis à l’extrême).

A titre d’exemple, je placerai la critique, très tôt, d’Edwy Plenel contre Valls. Ce dernier était pour le patron de Mediapart l’erreur de casting de trop dans l’équipe Hollande.

Début septembre 2012, il a attaqué Valls dans une charge très violente qu’il a re-publié hier. L’accusation était simple: Valls n’était pas de gauche, il faisait cavalier seul, il n’avait rien à faire au ministère aussi sensible que l’Intérieur et l’Immigration. Plenel avançait 4 preuves: (1) « les expulsions de Roms« ; (2) « l’exploitation politique de l’anti-terrorisme« ; (3) son désaccord sur le droit de vote des immigrés (il l’a toujours été) et (4) son refus de réformer les contrôles d’identité (via les récipissés). Cette charge violente qui paradoxalement ne disait rien, absolument rien de l’essentiel, le sujet principal de Manuel Valls: le maintien de l’ordre et la lutte contre la délinquance. Mais bon, passons.

D’autres, dont votre serviteur, pensent au contraire que la société demeure trop violente, (ou que la perception de violence est trop forte) pour qu’un gouvernement de gauche puisse ne pas traiter le sujet. Primo, ce serait jugé, à juste titre, incompréhensible par l’immense majorité de l’électorat, y compris à gauche.

Pire, ce serait faire preuve de pure mauvaise foi que de nier soudainement la réalité d’un problème de sécurité que nous n’avons cessé de dénoncer quand Sarkozy était aux commandes. Je ne compte plus les billets de Sarkofrance rédigés sur l’augmentation de la délinquance violente en France depuis 2002. Et voici qu’il aurait fallu déclarer le 6 mai au soir que nous vivions chez les Bisounours, que cette violence n’existait pas ?

#Ohwait

Mais Manuel Valls a d’après moi échoué. J’ai déjà écrit pourquoi. Il y a des actes insupportables, il y a des mots de trop qui s’accumulent. Valls est resté sur cette imitation mal dégrossie d’un « Sarkozy de gauche« , terrifiant oxymore. Il est très loin de ce modèle (et c’est heureux), mais il s’agite dans la même direction. C’est d’autant plus surprenant parce qu’il sait qu’il est attendu sur cette exact procès-là. Mais il continue.

La question aujourd’hui n’est plus Manuel Valls. Ce serait trop facile. Ce serait même dangereux car contre-productif: en effet, placer le ministre de l’intérieur au centre du débat politique – soit pour l’encenser (si certains en ont encore envie ;-)), soit pour le critiquer, est le meilleur service à rendre à l’Autre.

Cet Autre qui va de Marine Le Pen à la droite sécuritaire incarnée par l’infernal couple Sarkozy/Buisson.

A bon entendeur…

 

 

 

(*) je retire volontairement l’autre terrain de jeu de Manuel Valls, l’immigration. On y reviendra.

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