Je l’ai lu d’une traite. Cela ne m’est pas arrivé depuis des lustres, de finir un livre aussi vite. Habituellement, un écran m’accroche, une autre envie me décroche. Ou le sommeil a raison de moi. Mais cette fois-ci, le livre de l’ami Guy m’a happé. Il a littéralement frappé au coeur.
Guy Birenbaum avait disparu des antennes radiophoniques entre mars et mai 2014. Quand je l’ai contacté le 20 mai dernier pour me réjouir de son retour à l’antenne, sans savoir pourquoi il avait disparu, il avait évoqué sa dépression en quelques lignes dans un email.
Je suis resté désemparé.
Revenu sur France info chaque matin juste avant 9 heures, Guy a couché sur le papier son « aventure« . C’est d’abord l’histoire d’une dépression et d’une quasi-guérison. Guy explique qu’il est encore sous traitement. On s’identifie facilement parce qu’on est tous un dépressif potentiel. La description méthodique de Guy est simple. Elle m’a renvoyé à de nombreux mauvais moments personnels après la fin de Sarkofrance.
Guy relate aussi l’enfer de l’hyper-connexion dans laquelle nous sommes, de la socialisation permanente et égotique du moindre geste ou de la moindre pensée. Des travers qui nous privent de recul, où l’esprit s’égare. Nous les avons déjà évoqués ici. En relatant sa descente en enfer, Guy donne les clés à celles et ceux qui ont senti le piège.
Ces clés sont une épouse, des enfants, des proches, des liens amicaux quotidiens, un excellent psychiatre.
Internet n’est pas la cause de ses tourments, le web a plutôt accéléré, fragilisé, confronté Guy avec d’autres angoisses qu’il partage dans son ouvrage. Les réseaux sociaux l’ont éloigné de ses proches, de sa famille, de son histoire familiale. Il l’écrit. Mais les mêmes réseaux sociaux lui ont balancé aussi en pleine figure la haine de vermines antisémites, la rancoeur de ces racailles. La mauvaise parole s’est libérée. Guy en fait les frais. Lui qui était resté presque distant avec sa propre histoire familial se fait insulter sur ses origines juives. Et ça l’affecte. Internet nous permet de voir le pire et le meilleur. Mais le pire marque forcément davantage que le meilleur.
Guy dresse le portrait d’une époque, d’une dépression collective. Nous ne savons plus où nous allons, nous ne savons plus qui nous sommes, nous sommes terrifiés de comprendre l’absurdité qui nous entoure, le vide de sens et la bêtise politiques, l’absence d’issue politique positive, la perte d’espoir, la déchéance de la culture devant la victoire du superflu et de l’agitation.
C’est une lecture que je conseille à toutes et tous, une lecture émouvante, et qui remplit d’espoir.
« J’ai décidé de me retirer du temps réel ». Guy Birenbaum.
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