Difficile de voir un loi tant attendue défendue par l’ennemi public n°1. La loi Hadopi suscite tous les débats, génère toutes les bêtises, assemble toutes les coalitions. Elle a été votée hier à l’Assemblée, passe au Sénat désormais. Ce débat s’est très tôt focalisé sur le piratage. Aux mesures coercitives, des ligues pro-pirates se sont créées. Comment en est-on arrivé à prendre Barbe Noire plutôt que Robin des Bois comme modèle de résistance ?
Contre Hadopi, on a entendu plusieurs types d’arguments. Excusez-moi de caricaturer un débat déjà si caricaturé.
Primo, la loi serait liberticide. Elle permettrait à un monstre administratif de nous ficher, de nous suspendre l’accès Internet, et donc, comme nous sommes tous des abonnés « triple-play« , de nous priver de téléphone. Quoi ?! Priver de surf nocturne ?! Vous avez raison. C’est vraiment grave. Un peu de sérieux svp ; ça ressemble à une révolte de bobos décomplexés.
Deuxio, il paraît qu’il vaudrait mieux une espèce de licence globale, un joli forfait mensuel que chaque internaute, qu’il télécharge ou pas, paierait bien volontiers, et qui lui permettrait ensuite de télécharger à volonté.Bravo ! Belle idée. Le buffet « All-you-can-eat« . On n’avait pas fait mieux depuis Campanile et les restau-routes. A titre personnel, il m’est toujours difficile d’entendre des « gens de gauche » défendre une TVA culturelle.
Tertio, le secteur culturel n’aurait rien compris à l’avenir, la gratuité serait inéluctable, le contrôle serait impossible. A titre personnel toujours, j’ai rarement entendu la gauche s’abriter derrière l’argument libéral habituel du « on n’y peut rien, le monde change.« Aux artistes d’avant-garde qui se prononcent contre HADOPI, n’hésitez pas: donnez vos œuvres ! Autre choix, on nous propose aussi le modèle Deezer. Certains amis producteurs indépendants, qui ne vendent pas de la musique à la tonne, vous expliqueront que Deezer est la killer-application qui flinguera la musique payante en ligne : gratuite, à la demande, et… avec une rémunération dérisoire pour ayant-droits. Qui dit mieux ?
Quarto, certains pro-Hadopi suggèrent qu’il faut inventer autre chose que de faire payer à l’usage. Il serait « de gauche » de provoquer la discussion sur les moyens alternatifs de financer la création. Ne nous gênons pas. On pourrait taxer les FAI (c’est déjà fait), ce qui équivaut, une fois encore, à une TVA culturelle. L’œuvre qui est visionnée davantage doit elle être mieux rémunérée ? Celui qui télécharge beaucoup ne devrait-il pas payé davantage, toutes choses égales par ailleurs ?
Enfin, aller au cinéma serait trop cher (très certainement), acheter des DVD également (sans doute). Pourtant, louer un film récent en VOD coûte, en plein tarif, quelque 5 euros le visionnage. Evidemment, c’est plus cher que gratuit. Concernant la musique en ligne, la chanson est à 99 centimes, et on peut même en écouter 20 secondes avant de choisir.
Hadopi n’est peut être pas parfait. Mais aucune mesure alternative crédible, viable et légitime n’est présentée.
Lundi, deux labels indépendants ont signé une tribune dans Libération, suivi par une foule de leurs confrères. « Hadopi, la création sacrifiée. »
Ils expliquaient simplement leur réalité, de façon lucide, concrète et généreuse.
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