Le journaliste, auteur d’une gigantesque enquête sur Clearstream, a dévoilé l’identité de quelques trolls libéraux et cela fait jaser: cris d’orfraie, polémiques, compte Facebook bloqué (puis rétabli), page wikipédia détournée, menaces de plainte, etc.
Denis Robert a ciblé des trolls publiant sous pseudonyme sur les réseaux sociaux des textes insultants ou menaçant à l’encontre des pauvres en général, des syndicalistes, de la CGT, des gauchistes, etc.
Dans la poignée qu’il a identifiée, il trouvé des traders et un patron de division d’une multinationale de l’agro-alimentaire, expatriés pour la plupart. Parmi les accusés, certains ont rapidement désactivé leur comptes Twitter.
La version originale de son article est à lire ici.
Certains argumentent que Denis Robert n’aurait pas du dévoiler ces identités. Qu’il s’agit d’une atteinte à la vie privée, voire, pire, à d’une attaque à la liberté d’expression. D’autres le menacent de plaintes en justice.
Denis Robert se trompe effectivement quand il attaque l’anonymat per se de ces trolls. D’abord, ils ne sont pas anonymes, ils écrivent sous pseudonyme, comme bien d’autres. Leur pseudo est leur identité numérique. J’ai moi-même longtemps commis cette erreur de confondre l’anonymat et le pseudonymat. J’écris sous pseudonyme pourtant depuis bientôt une décennie. Comme d’autres, je procède ainsi parce que cela m’est plus facile d’exprimer mes idées sans mélanger vie privée, vie professionnelle et vie politique. Je dévoile beaucoup, j’ai aussi exposé mes propres conflits d’intérêts. Je ne traite pas mes adversaires politiques de « fils de pute ». Je ne suggère pas qu’il faille les tuer, ni les « enculer à sec ». Ni
Maitre Eolas, l’un des blogueurs français les plus reconnus de cette dernière décennie, a parfaitement résumé la véritable signification du pseudonymat, en 2011, à l’occasion d’une autre interrogation d’un autre blogueur, journaliste celui-là.
« Sur l’internet, ce n’est pas qui vous êtes qui compte, mais ce que vous dites. Le pseudonymat est quelque chose de naturel sur les réseaux, et même une prudence élémentaire face à un support hypermnésique. Il est temps que l’on cesse de le trouver suspect, et cela commencera en cessant de le confondre avec l’anonymat. »
Je ne suis pas Denis Robert (sic!). A sa place, je n’aurai pas dévoilé le nom de ces « Golden Corbeaux ». C’est inutile. Leur situation sociale, qu’ils ont choisi de cacher, est suffisamment éclairante. En allant jusqu’au bout, Denis a permis à quelques-uns de ces trolls libéraux de se poser en victimes. Et à d’autres de brailler contre la « dictature gauchisssse » et les « nazis de gauche« . Denis a aussi réactivé la haine contre ces gens et, comme toujours, je ne suis pas sûr que la haine soit la meilleure réponse à la haine.
Il faut pourtant soutenir Denis Robert pour au moins une double raison.
Primo, il ne faut pas abandonner l’expression 2.0 à la libre-expression de ces violents. Il y a des trolls dans tous les camps. Je crois en avoir rencontré de tous les bords: même d’anciens camarades de campagne Hollande 2012 sont devenus des trolls violents à mon encontre depuis que je me suis éloigné de cette équipe Vallscisante. Tacler violemment des trolls violents est comme un retour de baton assez légitime. Les voir couiner en retour a quelque chose de délicieux.
Denis Robert a surtout permis de rappeler que le pseudonymat n’autorise pas tout ni n’importe quoi. Il a raison, mille fois raison d’attaquer ces internautes qui invectivent et menacent. Le pseudonymat est une protection fragile contre l’hypermnésie d’Internet et les nouveaux Big Brothers numériques. Mais l’anonymat n’est pas, et ne doit pas être, un passe-droit vers le délit.
Or l’échantillon de tweets (dont la plupart sont aujourd’hui effacés par leurs auteurs) tombent sous le coup de la loi.
Menacer de mort ou de torture ou insulter ce que l’on est et non ce que l’on dit sont répréhensibles.
Il paraît que certains de ces trolls étaient parodiques. Le plus virulent d’entre eux, Gordon Gekko (désactivé depuis), serait même une sorte de « Gorafi ultra-libéral« . Le Gorafi n’est pas caché sous un pseudo. C’est même une petite entreprise dirigée et animée par un chouette garçon. L’argumentaire « on-a-bien-le-droit-de-rire-de-tout« , déjà utilisé pour défendre Dieudonné ou Charlie Hebdo n’est pas plus opérant puisque les auteurs ici incriminés sont masqués.
Puisque c’est de l’humour, assumez donc qui vous êtes. Il faut être assez crétin, ou trouillard, ou les deux, pour penser que manier l’humour provocateur dans la haine est quelque chose de simple et sans conséquence sur les réseaux sociaux.
Si ce n’est pas de l’humour, si c’est sérieux, alors c’est grave et punissable. Ces tweets n’ont rien d’une manifestation de la liberté d’expression.
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